Au pays de la révolution française qui a mis fin
au féodalisme et à la servitude en propageant à travers le monde les
mots de
« Liberté – Égalité – Fraternité » ;
à Paris, capitale d’un pays qui a résisté hautement pour se libérer
de la barbarie d’une armée occupante féroce et brutale ; depuis vos
bureaux à l’Élysée ou ceux du Quai d’Orsay – j’espère que vous lirez
ma lettre.
Dans l’un de ces bureaux, ma mère a été finalement
reçue afin de discuter des moyens pour obtenir ma libération. Nous
savons tous que la démocratie fonde le respect de la diversité des
êtres humains. Elle définit les bases légales qui accordent à chacun
des droits et des devoirs. Elle prône l’égalité des droits humains
et refuse absolument d’établir des différences négatives et
ségrégatives selon la couleur de la peau, l’origine, la religion,
etc.
Comme citoyen franco-palestinien, je pensais que les
autorités françaises se devaient de me protéger (comme elles le font
pour tous nos compatriotes français injustement en difficulté dans
le monde) alors que je vis dans un pays sous occupation militaire
décidée par un gouvernement qui refuse obstinément de reconnaître et
d’appliquer le droit international.
Il semblerait que ce gouvernement, le gouvernement
israélien, vous ait convaincu que le seul moyen pour moi de
retrouver la liberté n’était pas que, lui, fasse, ce qu’il devrait
faire pour cela mais qu’en plus de l’injustice que je subis que,
moi, je fasse un acte d’humiliation supplémentaire : que je présente
des « regrets » devant un tribunal militaire d’occupation.
Je
voudrais vous poser une seule question : aurait-il été acceptable
pour vous que les résistants français, pendant la seconde guerre
mondiale, « regrettent » leurs actes devant des tribunaux
d’occupation ou de collaboration ?
Si on ne peut comparer terme à terme les deux
situations, il n’en reste pas moins que la Palestine vit aussi sous
occupation étrangère depuis maintenant 62 ans. Une occupation
brutale qui multiplie les meurtres, qui construit des murs, qui
assiège et colonise, qui expulse le plus possible de Palestiniens de
leur terre ou de leurs maisons, surtout à Jérusalem-Est où je vis
avec ma famille.
Devant cette occupation que vit mon peuple, je ne
peux rester ni indifférent ni me taire. Je suis né et j’ai grandi
dans un pays occupé et, parce que je ne peux pas me taire, je suis
depuis plus de 5 ans en prison. Comment pourrais-je accepter cette
occupation que vous-même avez condamnée ? C’est mon droit que de la
refuser.
Dans ces conditions il n’est pas pensable une seule
minute, qu’en plus de tout cela que je subis, j’en vienne à
« regretter » ou à « m’excuser » de quoi que ce soit devant un
tribunal militaire d’occupation. Je soutiens la résistance légitime
de mon peuple qui bénéficie de la solidarité des gens libres à
travers le monde.
Bien à vous,
Salah Hamouri
Prison de Guilboa
Section 4
Le 14 juillet 2010
salah-hamouri.fr