lors que le G20 va se réunir à Londres le 2 avril pour tenter de
remettre de l'ordre dans le système financier global, la Banque centrale de
Chine vient de lancer une idée provocante, mais fertile. Dans un discours
publié sur le site Internet de la banque, son gouverneur, Zhou Xiaochuan, a
proposé qu'à l'avenir la monnaie de référence mondiale ne soit plus le dollar,
mais un panier de monnaies, sur le modèle des droits de tirage spéciaux, qui
servent d'unité de compte au Fonds monétaire international (FMI). Le système
monétaire mondial ne serait ainsi plus adossé à la monnaie du pays le plus
puissant, mais à un consortium international : Etats-Unis, Europe, Chine,
Japon. Cette idée applique au domaine financier le multilatéralisme discuté par
les diplomates depuis une décennie.
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L'intérêt pour la Chine d'adosser les finances internationales à
un panier de monnaies est clair : elle a placé près de la moitié de ses 2 000 milliards
de dollars de réserves de change en dollars : quand cette devise baisse,
l'épargne chinoise voit sa valeur diminuer d'autant. Mais si la Chine commence
à se débarrasser du dollar, le cours de celui-ci diminuera. L'empire du Milieu
est donc, comme tout créancier, dépendant de son débiteur. L'évolution vers un
système relativisant la place du dollar lui rendrait sa liberté.
Pourquoi cette proposition est-elle féconde du point de vue
environnemental ? Parce que la destruction de la biosphère engagée depuis
plusieurs décennies est en bonne partie attribuable à la surconsommation de
matières et d'énergie suscitée par l'excessive dépense des Etats-Unis.
Qu'est-ce qui a rendu possible cette dépense excessive ? Un endettement
déraisonnable, puisque libellé dans la monnaie que les Etats-Unis peuvent
émettre avec une souplesse interdite aux autres pays. Comment réduire cette
dépense ? Entre autres moyens, en rendant plus difficile l'endettement des
Etats-Unis. Un panier de monnaies, géré en commun par les principales économies
du monde, empêcherait l'une d'entre elles de se comporter de façon
irresponsable.
L'idée chinoise peut être prolongée de façon à la rendre encore
plus écologique. On pourrait intégrer dans le futur panier de monnaies un
instrument concrétisant la préoccupation environnementale : cet instrument
émerge, il se met en place à travers le marché européen du dioxyde de carbone
et le mécanisme de développement propre de la Convention sur le climat des
Nations unies.
Cette monnaie en cours d'élaboration tire sa
valeur dans les réductions d'émissions de gaz à effet de serre des pays et des
entreprises. Elle est encore dans l'enfance : mais si elle parvient à être
correctement encadrée par les Etats et protégée de la spéculation, elle a
vocation à enregistrer le mouvement des économies à réduire leur empreinte
écologique. En ce sens, cette monnaie "planète" pourrait rejoindre le
dollar, l'euro, le yuan et le yen pour asseoir de manière stable et écologique
l'économie mondiale du XXIe siècle.