Ecologie profonde
En anglais, deep ecology.
École de pensée dont le père fondateur est le philosophe norvégien Arne Næss
(1912-2009). Selon ce dernier, l’humanité doit être considérée, non pas comme
une espèce à part ou supérieure aux autres, mais comme une partie de la
biosphère.
L’écologie « classique » pose comme finalité de la morale et de l’action la
satisfaction des besoins humains, et attribue au reste du vivant le statut de
simple ressource : tels sont l’anthropocentrisme et l’humanisme. L’écologie
profonde inscrit, au contraire, le destin de l’Homo sapiens dans une vision totalisante de la vie : c’est
un biocentrisme. À ses yeux, le fond du problème n’est pas l’homme en tant que
tel, mais l’homme et l’ensemble des espèces avec lesquelles il coévolue depuis
son apparition.
Arne Næss formule pour la première fois ce concept dans un article qui paraît
en 1973, et qui est intitulé « Le mouvement écologique superficiel et le
mouvement profond ». Il y affirme notamment : « Le droit de toute forme de vie
à exister est universel et ne saurait être quantifié. Aucune espèce ne détient
plus qu’une autre un droit spécial à exister. » Les idées d’Arne Næss choquent
les penseurs humanistes, religieux, bien-pensants, communistes, progressistes,
béni oui oui ou politiquement corrects. Mais ses propos constituent une
revigorante incitation à la réflexion.
Cependant, au contraire de ce que font semblant de croire Luc Ferry dans son
essai Le Nouvel ordre écologique,
ou Jean-Christophe Ruffin dans son roman Le
Parfum d’Adam (mais tout est permis dans un roman !), les tenants
de l’écologie profonde ne sont pas nombreux ! Loin de la secte en quête de
pouvoir… La deep ecology,
combien de divisions ? Zéro… Ce n’est pas demain la veille qu’on verra un « fascisme
vert » éliminer des humains pour faire de la place aux requins, aux loups ou
aux éléphants.
Il arrive que, dans ses moments de fantasme sadique (qui ne connaît pas ce
genre de délire ?), et au désespoir de voir l’Homo sapiens se conduire si bêtement et si méchamment,
l’auteur de ce Dictionnaire
envisage pareilles extrémités. Petit plaisir innocent de l’imagination ! Mais
qui permet de poser, sous forme d’interrogation provocante, le grave problème
philosophique des limites de l’humanisme. Celui-ci nous commande de privilégier
l’humain en tout temps et en tout lieu. Nous en sommes d’accord. Mais supposons
qu’en 1933, par une magie d’histoire-fiction, nous ayons devant nous, d’une
part le couple Hitler-Eva Braun, et d’autre part le dernier couple de tigres.
Nous ne pouvons en sauver qu’un seul. Lequel choisissons-nous ?
Yves Paccalet
Dictionnaire énervé de l’écologie : les mots pour le pire d’Yves Paccalet - Editeur : Les éditions de l’Opportun - Date de publication : octobre 2010 - 250 pages - ISBN-13 : 978-2360750139 - Prix public : 15 €