« L'agriculture doit être considérée comme une science et un art »

Créé le 09.03.09

D'ici à 2020-2025, il faudra avoir doublé notre production agricole  
pour nourrir la population mondiale qui comptera 8 milliards d'êtres  
humains. Or l'agriculture actuelle, industrielle, ne peut y répondre  
sans aggraver les problèmes sociaux et environnementaux que l'on  
connaît. Et sans pour autant assurer l'accès à la nourriture et la  
sécurité alimentaire. La condition paysanne, à l'échelle planétaire,  
demeure un désastre. Est-il normal que les trois quarts des mal  
nourris de la planète soient des paysans ? Comprendre comment les  
plantes fonctionnent et réformer l'agriculture sont nos deux  
assurances-vie pour l'avenir.

La plante serait-elle l'avenir de l'homme ?

Je souhaite faire l'éloge du végétal. Nous avons là une ressource en  
apparence banale, corvéable à merci. Les plantes sont la matrice et  
le moteur du vivant terrestre. Elles ont structuré des écosystèmes  
extraordinairement sophistiqués et ont permis l'existence de  
civilisations humaines élaborées. Elles se contentent de peu pour  
fournir le maximum. Elles savent tout faire : elles fournissent  
l'énergie, la nourriture, le fourrage, les fibres, elles forment les  
sols... Le végétal est le prototype d'une économie et d'une société  
durable.

Les « plantes du futur » sont-elles solubles dans les OGM ?

Les organismes génétiquement modifiés ne sont qu'une approche parmi  
d'autres. Se contenter de fabriquer de nouvelles plantes sans prendre  
en compte l'ensemble des questions environnementales, sociales,  
culturelles, économiques, c'est-à-dire la base du développement  
durable, serait une fuite en avant, dans une logique de  
marchandisation du monde. Nous sommes déjà dans une époque de  
marchandisation excessive des ressources du vivant et du savoir.

Que faut-il faire ?

Je ne dis pas qu'il ne faut pas innover, mais il vaut mieux gérer les  
diversités biologiques existantes et innover avec discernement. Par  
exemple, il faut reformater génétiquement les variétés qui ont réussi  
durant les cinquante dernières années avec la modernisation de  
l'agriculture. Ces plantes consomment beaucoup d'eau, d'engrais, de  
pesticides. Leur temps est compté. Et ce n'est pas vraiment ce que  
l'on cherche pour une agriculture durable...

Où peut-on trouver alors les ressources viables pour l'avenir ?

Les plantes du futur existent déjà, elles sont parmi nous. Sauf qu'on  
n'en fait pas un bon usage. Quand l'homme primitif vivait grâce à 400  
plantes, nous n'en utilisons aujourd'hui qu'une vingtaine (riz, blé,  
maïs, soja, pour les quatre principales). La question est : Comment  
réorganiser l'agriculture dans le monde, avec la diversité de  
variétés dont on dispose, adaptées localement, dans une logique  
d'équilibre et de complémentarité ? En commençant par améliorer une  
fois pour toutes la condition paysanne. L'agriculture doit être  
considérée comme une science et un art, différente des autres  
activités économiques. Il devrait exister une exception agricole  
comme il y a une exception culturelle.

Recueilli par Sandrine  Boucher

http://www.20minutes.fr/article/308931/Lyon-L-agriculture-doit-etre-
consideree-comme-une-science-et-un-art.php