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RITA LEVI-MONTALCINI, NEUROLOGUE PRIX NOBEL DE MÉDECINE.
Entrevue du 22/12/2005
Née le
22 avril 1909 à Turin, Piémont, elle est actuellement la lauréate
vivante la plus âgée et, à ce jour, la lauréate ayant vécu le plus longtemps de
tous les prix Nobel.
- Comment célébrer vos 100 ans?
- Ah, je ne sais pas si je
vivrai jusque là, et de plus les célébrations ne me plaisent pas. Ce qui
m’intéresse et me plaît, c’est ce que je fais chaque jour.
- Et que faites-vous?
- Je travaille à obtenir des bourses
d’étude pour des fillettes africaines afin qu’elles étudient et se
préparent à travailler pour l’avancement
de leurs pays. Je continue mes recherches, je continue ma réflexion.
- Vous n’êtes pas à votre retraite?
- Jamais! La retraite détruit le cerveau. Plusieurs personnes à la retraite
abandonnent, cela tue le cerveau et rend malade .
- Comment fonctionne votre cerveau?
- Exactement comme à mes 20 ans. Je ne note aucune
différence dans mes désirs ni dans mes capacités. Demain je participerai à un
congrès médical.
- Mais n’y aurait-il pas quelque limite génétique?
- Non. Mon cerveau aura bientôt un siècle…, mais il ne
connaît pas la sénélité. Mon corps se ride, c’est inévitable, mais pas le
cerveau.
- Comment cela se fait?
- Nous jouissons d’une grande plasticité neuronale: même
si des neurones meurent, celles qui restent se réorganisent afin de maintenir
les mêmes fonctions, mais encore faut-il les stimuler.
- Aidez-moi à le faire.
- Maintiens des désirs, active ton cerveau, fais-le
fonctionner, ainsi il ne dégénérera jamais.
- Et je vivrai plus longtemps?
- Vous vivrez
mieux les années que vous aurez à vivre, et c’est cela qui est intéressant . Le
secret c’est demeurer curieux, engagé et avoir des passions.
- La vôtre fut la recherche scientifique.
- Oui, et je continue aussi passionnée.
- Vous avez découvert comment croissent et se
renouvellent les cellules du système nerveux.
- Oui, en 1942. J’ai appelé cette découverte: ‘‘nerve
growth factor NGF’’ (facteur de croissance nerveuse), et pendant presqu’un
demi-siècle je fus interdite, jusqu’à ce que soit reconnue la validité de ma
découverte. En 1986 je reçus pour cette
découverte le prix Nobel
- Comment une jeune fille italienne des années 20
a-t-elle pu parvenir à être neuroscientifique?
- Depuis mon enfance je me suis dédiée à étudier. Mon
père voulait que je fasse un bon mariage, que je sois une bonne épouse et une
bonne mère… mais j’ai refusé. Je me suis tenue devant lui et je lui ai dit que
je voulais étudier…
- Quelle
contrariété pour papa,
non?
- Oui, c’est que je ne me sentais pas heureuse enfant. Je
me sentais un vilain petit canard, sotte et bien peu de chose. Mes frères aînés
étaient brillants et je me sentais tellement inférieure.
- Je vois que vous avez fait de cela un stimulant.
- Oui, mais l’exemple du docteur Albert Schweitzer, qui
était en Afrique pour pallier à la lèpre m’a aussi stimulée. J’ai désiré aider
ceux qui souffraient, c’était mon grand rêve.
- Vous l’avez réalisé…, au moyen de la science.
- Et aujourd’hui aider les fillettes d’Afrique afin
qu’elles étudient. Nous luttons contre la maladie, oui, mais tout peut s’améliorer
si nous arrêtons l’oppression de la femme dans ces pays islamiques.
- La religion freine-t-elle le développement cognitif? Le
développement de la
connaissance?
-Oui la religion marginalise la femme face à l’homme,
elle la met de côté quant au développement des connaissances.
-Existe-t-il une différence entre le cerveau d’un homme
et celui d’une femme?
- Seulement dans
les fonctions cérébrales qui sont en relation aux émotions liées au système endocrinien. Mais quant aux
fonctions cognitives, il n’y a aucune différence.
- Pourquoi n’y a-t-il encore que très peu de femmes
scientifiques?
- Non, ce n’est pas ainsi! Plusieurs découvertes
scientifiques attribuées à des hommes furent en vérité l’oeuvre de leurs
soeurs, épouses ou filles.
- C’est vrai?
- On n’admettait pas l’intelligence féminine, on la
laissait dans l’ombre. Heureusement aujourd’hui il y a plus de femmes que
d’hommes dans l’investigation scientifique: Les héritières d’Hypatia*.
- La sage Alexandrine du IV siècle…
- Maintenant nous ne terminerons plus assassinées dans la
rue par les moines misogynes chrétiens,
telle qu’elle le fut. Certainement quelque chose s’est amiélioré dans le monde.
- Personne n’a essayé de vous assassiner…
- Durant le fascisme, Mussolini voulut imiter Hitler dans
la persécution juive…, je dus me cacher un temps. Mais ne n’ai pas cessé mes
recherches: j’ai monté mon laboratoire dans ma chambre à coucher…et c’est en ce
temps que j’ai découvert l’apoptosis, c’est-à-dire la mort programmée des
cellules.
- Pourquoi y a-t-il un pourcentage si élevé chez les
juifs de scientifiques et d’intellectuels?
- L’exclusion a provoqué chez les juifs le travail
intellectuel: on peut tout prohiber, mais non ce que tu penses. C’est certain
qu’il y a plusieurs prix Nobel parmi les juifs.
- Comment vous expliquez-vous la folie nazie?
- Hitler et Mussolini surent parler aux foules, là c’est
le cerveau émotionnel qui prédomine toujours sur le cerveau néocortical,
l’intellectuel. Ils manipulèrent les émotions, non la raison.
- Est-ce encore ainsi aujourd’hui?
- Pourquoi croyez-vous que dans plusieurs écoles des
États-Unis on enseigne le créationisme au lieu de l’évolutionisme?
- L’idéologie est émotion, elle est sans raison.
- La raison est fille de l’imperfection. Chez les invertébrés tout est programmé: ils
sont parfaits. Nous, non! Étant imparfaits, nous avons recours à la raison, aux
valeurs éthiques: discerner entre le bien et le mal c’est le plus haut grade de
l’évolution darwinienne!
- Vous ne vous êtes jamais mariée, vous n’avez pas eu
d’enfant?
- Non. Je suis entrée dans la jungle du système nerveux .
Je suis demeurée fascinée de sa beauté et j’ai décidé de lui dédier tout mon
temps, toute ma vie.
- Parviendrons-nous
un jour à guérir l’alzheimer, le parkinson, la démence sénile?
- Guérir…? Nous parviendrons à freiner, retarder, minimiser
toutes ces maladies.
- Quel est aujourd’hui votre grand rêve?
- Qu’un jour nous
parvenions à utiliser au maximum la capacité cognitive de notre cerveau.
-Quand avez-vous cessé de vous sentir un vilain petit
canard?
-Encore, je demeure consciente de mes limites.
- Qu’est-ce qui fut le meilleur de votre vie
- Aider les autres.
- Que feriez-vous aujourd’hui si vous aviez 20 ans?
- Mais je suis en train de le faire!
Aide les autres à s’aider
eux-mêmes.
Rita Levi-Montalcini,
Neurologue.
Hypathie est une femme savante (370-415) qui enseignait à
Alexandrie (Egypte), elle mourut lapidée par des chrétiens fanatiques et
ignares et ses écrits disparurent dans l’incendie de la bibliothèque
d’Alexandrie.
Son personnage apparaît dans différents romans dont
« Le théorème du perroquet » de Denis Guedj et « Hypahie ou la
fin des dieux » de Jean Marcel. Au théâtre, une pièce de J Bouycart lui
est consacrée.
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